Introduction
1 - Les espaces protégés en France |
1 - Les espaces protégés en France
Les espaces qui sont concernés par le présent document sont soit des zones qui sont protégées de façon légale (parcs nationaux, réserves naturelles), soit des territoires qui sont acquis par des établissements publics, des collectivités ou des associations afin d'en assurer la conservation. Le nombre et la superficie de ces espaces s'accroissent très rapidement. On peut ainsi estimer qu'en mars 1996 :
- les parcs nationaux couvrent 370 000 ha (auxquels s'ajoutent 921 000 ha de zones périphériques ;
- les 128 réserves naturelles ont une surface globale qui s'étend sur plus de 244 000 ha (auxquels s'ajoutent plus de 4 000 ha de réserves naturelles volontaires) ;
- le Conservatoire du littoral possède plus de 45 000 ha de rivages maritimes et lacustres ;
- plus quarante départements ont décidé l'application de la Taxe Départementale sur les Espaces Naturels Sensibles. La plupart utilisent les fonds récoltés pour acquérir des zones d'intérêt écologique majeur. Le total des superficies ainsi acquises deviendra rapidement supérieur à celui des réserves naturelles;
- il y a près de 25 000 ha de réserves biologiques domaniales (dont 7 692 ha en réserve intégrale) répartis sur 122 sites ;
- de plus en plus d'organismes privés (associations, fondations ... ) ont pour vocation d'acheter et de gérer des territoires d'intérêt écologique majeur. Les conservatoires régionaux ambitionnent ainsi de protéger 100 000 ha avant l'an 2 000 ; la Fondation nationale pour la protection des habitats de faune sauvage (financée par les fédérations départementales des chasseurs) a d'ores et déjà acquis une cinquantaine de sites qui couvrent près de 1 800 ha ; le W.W.F. - France a permis de sauvegarder plus de 5 000 ha de marais, d'étangs ou de forêts etc ...
Il existe par ailleurs 13 000 zones ZNIEFF en France. Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'espaces protégés, il apparaît nécessaire, dans de très nombreux cas, d'y mettre en oeuvre des actions de gestion conservatoire. Il s'agit en effet par définition des zones les plus riches du point de vue du patrimoine naturel et beaucoup d'entre elles continuent de se dégrader.
De la même façon, la mise en oeuvre de la Directive - Habitats de la CEE pose le problème de la définition des mesures de protection qui seront appliquées sur les sites qui seront retenus pour constituer le réseau Natura 2 000.
2 - Nécéssité de gérer les espaces protégés
Le temps est loin où l'on pensait que pour protéger un espace, il suffisait de le soustraire à l'action de l'homme en laissant la nature reprendre ses droits. On s'est très vite rendu compte que, dans nos régions où tous les milieux ont été très fortement modifiés, ceux-ci évoluent très vite lorsqu'ils ne sont plus entretenus: les prairies humides sont envahies par la végétation ligneuse, les plans d'eau se comblent, les taillis se referment et deviennent très pauvres pour la faune et la flore, etc ...
En Angleterre il a ainsi pu être constaté que des espèces très rares de papillons se sont éteintes après que leurs biotopes ont été classés en réserves naturelles et que cette disparition était précisément due à l'abandon des modes d'utilisation du sol qui avaient entretenu les milieux jusqu'alors (1). Même les parcs nationaux américains, qui sont pourtant de très vastes étendues de nature totalement vierge, n'ont pas pu se limiter à la simple application de protections réglementaires. La beauté des sites attire en effet un grand nombre de visiteurs et les responsables ont dû mettre en place des plans de gestion ainsi que de vastes programmes d'aménagements afin de limiter l'impact de cette fréquentation touristique sur les milieux.
3 - Une Démarche indispensable : le plan de gestion
La gestion des espaces protégés est cependant un art difficile: il faut pouvoir identifier les besoins en matière d'entretien et de restauration des milieux, concevoir des aménagements qui n'aient pas d'effets secondaires néfastes, concilier l'accueil du public et la protection de la faune sauvage, etc ...
Pour que ce travail soit réalisé de façon pragmatique et efficace, le Ministère de l'Environnement recommande l'établissement de plans de gestion. La Conférence Permanente des Réserves Naturelles (CPRN) a réalisé un fascicule qui présente le principe de ces plans de gestion et qui comprend quatre parties (cadre n°1) :
- l'approche descriptive et analytique du milieu
- l'évaluation de la valeur patrimoniale et la définition des objectifs
- la mise au point du plan de travail
- l'évaluation des résultats.
Le présent document correspond à la section B de cette démarche. Il a pour but d'aider les gestionnaires à analyser les enjeux majeurs de protection des espaces dont ils ont la charge et à définir leurs objectifs de gestion à long terme. Il n'est en effet pas évident d'identifier les priorités à retenir pour que la protection soit la plus efficace. L'exemple n°1 illustre la complexité des problèmes qui se posent souvent: chacune des orientations qui peuvent être envisagées possède des avantages et des inconvénients et il n'est pas certain qu'il soit possible de conserver de façon durable tout ce qui devrait l'être. Une telle situation n'est pas exceptionnelle car le patrimoine naturel est toujours composé d'éléments disparates et chacun d'entre eux constitue un enjeu propre. Ceux-ci sont d'autre part régis par des processus d'interactions qui sont très souvent antagonistes: lorsqu'une espèce se développe c'est généralement au détriment d'une ou de plusieurs autres.
Tout l'art du gestionnaire consiste donc à faire les choix les plus pertinents en définissant la meilleure stratégie de protection possible. Cela suppose une analyse approfondie et une hiérarchisation des enjeux.
(1) THOMAS (1984) : The concervation of butterflies in temperate countries, past and lesson for the future. - in : VANE-WRIGHT et ACKERY : The biology of butterflies - Academie Press ed., p 333-353.