1.2 - La conservation des espèces animales et végétales













Exemple n°4 : importance de la diversité génétique...

























Exemple n°5 : influence de la taille de la population...

 








Exemple n°6 : influence de la superficie de l'habitat...













Cadre n°4 : comparaison du nombre d'espèces végétales...




Exemples n°7 à n° 12










Exemple n° 13 : la chouette chevêche

 

1.2.1  L'importance de la diversité génétique pour la survie des especes

1.2.2  Notion de population minimale viable

1.2.3  Superficie, fragmentation et hétérogénéité de l'habitat

1.2.4  Les espèces menacées de disparition

1.2.5  Les espèces en voie de raréfaction

1.2.6  Les écotypes


1.2.1 - L'importance de la diversité génétique pour la survie des especes

Même les écosystèmes peu perturbés, qui peuvent paraître stables à l'échelle humaine, connaissent des remaniements constants à l'échelle de l'évolution des espèces. C'est la diversité du patrimoine génétique des êtres vivants qui leur permet de se maintenir tout en s'adaptant à ces modifications: plus une espèce a de ressources génétiques, plus elle a de chances de pouvoir s'adapter lorsque surviennent des changements des conditions du milieu dans lequel elle vit. Cette diversité génétique est d'autant plus importante lorsque les modifications sont fréquentes et brutales. Dans le monde moderne où des perturbations constantes affectent les milieux naturels, ce caractère est donc essentiel pour la survie des espèces (cf exemple n°4).

Il existe une abondante littérature qui traite de l'influence de la répartition des différentes populations d'une même espèce sur sa diversité génétique et donc sur sa capacité de survie. Il est généralement admis que l'idéal est que l'espèce soit organisée en métapopulations. Une métapopulation est un ensemble de sous populations d'une même espèce qui sont séparées dans l'espace mais qui peuvent malgré tout avoir des échanges sporadiques. Comme chacune d'entre elles évolue distinctement, elle développe ses propres caractères adaptatifs et possède ainsi un génome qui est différent de celui des autres. Lorsque les différentes sous populations entrent en contact les unes avec les autres, elles peuvent donc s'enrichir mutuellement.

La fonction de conservation des espèces qui est attribuée aux espaces protégés ne doit donc pas être considérée au travers de la seule protection de quelques «spécimens d'êtres vivants» comme ce serait le cas dans un jardin zoologique. La biologie de la conservation met de plus en plus l'accent sur les ressources génétiques car elles conditionnent le devenir des espèces à long terme.

1.2.2 - Notion de population minimale viable

«La biologie de la conservation est une science orientée vers les situations de crise. Elle est de ce fait confrontée au difficile défi de compréhension et de prédiction de la dynamique à long terme de systèmes complexes» (1).
Le biologiste Schaffer a précisé en 1981 les «diverses sources d'incertitude» qui peuvent menacer les populations d'espèces animales et végétales et les conduire à l'extinction. Il distingue :

  • Les facteurs aléatoires (stochastiques) de l'environnement, (variations permanentes de l'environnement des populations incluant facteurs physiques, prédateurs, parasites, maladies et compétiteurs). Plus l'ampleur de ces variations est importante plus le risque d'extinction est grand.
  • Les catastrophes naturelles, qu'elles soient aléatoires ou périodiques (feux, tremblements de terre, cyclones, épizooties, etc.). Face à ce type de catastrophes naturelles, les espèces nécessitent des effectifs importants pour espérer survivre.
  • Les variations démographiques aléatoires. Ce phénomène concerne essentiellement les petites populations (de moins de 50 individus en général) pour lesquelles des causes purement démographiques peuvent créer des variations dans la taille des populations indépendamment des modifications de l'environnement.
  • Enfin les caractères aléatoires liés à la diversité génétique des petites populations souvent génétiquement peu diversifiées et pouvant être soumises aux dépressions de consanguinité (cf exemple n°5).

Face à ces différentes sources d'incertitudes, le but des espaces protégés est de favoriser l'augmentation des effectifs (ou le maintien d'effectifs élevés) dans les populations à conserver.

1.2.3 - Superficie, fragmentation et hétérogénéité de l'habitat

Superficie, fragmentation et hétérogénéité de l'habitat constituent des paramètres essentiels à prendre en compte pour la gestion d'une espèce :

  • De la superficie de l'habitat va directement dépendre l'effectif de la population. Pour chaque espèce il sera théoriquement possible de définir un ordre de grandeur de la superficie minimale nécessaire par couple ou par individu. Cet ordre de grandeur sera variable selon chaque espèce (cf exemple n°6).
  • La fragmentation d'un habitat pourra avoir des conséquences extrêmement néfastes sur la survie des espèces qui y sont inféodées tout d'abord en réduisant les superficies potentiellement favorables en deçà du seuil permettant le maintien d'un individu ou d'un couple. Cette superficie sera d'autant plus importante que l'espèce est de grande taille et qu'elle se trouve située au sommet d'une chaîne trophique.
  • La fragmentation pourra aussi avoir des conséquences non négligeables par perte d'hétérogénéité de l'habitat. Des espèces ayant besoin de deux ou trois types de milieux pour réaliser leur cycle (batraciens nécessitant un habitat à la fois terrestre et aquatique par exemple) peuvent ainsi se trouver dans l'impossibilité de se déplacer de l'un à l'autre du fait de la fragmentation de leur habitat d'origine.

Certains biologistes de la conservation comme Michael Soulé considèrent que «dans leur majorité les réserves naturelles dans le monde sont trop petites, la viabilité, au sens strict, étant probablement impossible pour certaines populations». Cette opinion concerne essentiellement les espèces situées au sommet des chaînes trophiques. Nous verrons plus loin qu'elle est aussi pertinente lorsqu'il s'agit de conserver des écosystèmes.

1.2.4 - Les espèces menacées de disparition

Malgré l'amélioration des réglementations de protection, il est probable que de nombreuses espèces animales et végétales vont continuer à régresser et que certaines vont même disparaître.

En ce qui concerne les espèces végétales, le cadre n°4 montre que c'est dans les pays de l'Europe du Sud, et parmi eux la France, qu'il y a le plus d'espèces menacées. Le Conseil de l'Europe considère ainsi que 75 % des plantes endémiques de notre pays courrent un danger immédiat (2).
Pour ce qui est des espèces animales, on estime que 35 % des amphibiens, 25 % des poissons, 24 % des mammifères et 15 % des oiseaux sont menacés. Le cas de beaucoup d'oiseaux et de certains mammifères suscite des initiatives de protection, de réimplantation ou de renforcement de populations mais la disparition de nombreux invertébrés se poursuit par contre dans une indifférence presque générale. En Hollande, on estime que 70 espèces de papillons, soit 24 % des représentants de ce groupe, ont d'ores et déjà disparu. En Angleterre, les évaluations réalisées dans le Suffolk ont mis en évidence une perte correspondant à 42 % des lépidoptères recensés au siècle dernier. Il est probable que de tels phénomènes sont en train de se produire à l'heure actuelle en France, mais l'absence d'inventaire national ne permet pas d'apprécier la gravité de la situation (3).

Au Royaume Uni, en Allemagne et dans les Pays du Benelux, la mutation de l'espace rural s'est produite plus tôt que chez nous et elle est pratiquement achevée à l'heure actuelle. En France par contre, les processus de bouleversement des paysages naturels n'ont réellement commencé qu'il y a une trentaine d'années et ils se poursuivent encore aujourd'hui. Dans les zones les plus productives, les espèces qui sont confinées dans les milieux marginaux vont continuer à se raréfier. Dans les zones en déprise agricole, les espèces caractéristiques des agro-écosystèmes traditionnels vont disparaître progressivement. Les prairies humides, les «friches à moutons», les bocages, les zones de polyculture sont menacés à court terme et, avec eux, les espèces d'invertébrés qui leur sont inféodées.

Une des fonctions primordiales des espaces protégés est donc de servir de refuge pour les espèces menacées et de mettre en oeuvre des moyens de gestion qui leur permettent de se maintenir.

1.2.5 - Les espèces en voie de raréfaction

Il existe d'autre part des espèces qui, sans être réellement menacées de disparition, ont vu leur statut se dégrader. Il peut s'agir soit d'espèces animales dont les effectifs ont diminué sensiblement, soit de plantes ou d'animaux qui se sont raréfiés dans certaines régions tout en restant relativement bien représentées au niveau national (exemple n°13).

Cette situation se traduit par un appauvrissement des écosystèmes qui peut parfois engendrer des déséquilibres néfastes à leur fonctionnement global :

• L'absence de prédateurs peut favoriser la prolifération de certains types de proies qui sont parfois néfastes aux cultures. En effet, l'abondance des chouettes, des busards, des faucons crécerelle, des belettes etc ... peut avoir une influence sur la fréquence et l'intensité des pullulations cycliques de micromammifères.

• Inversement,l'abondance de certaines catégories de proies conditionne la répartition des prédateurs. La fréquentation des plans d'eaux par le Fuligule morillon par exemple est directem ent dépendante de la présence d'un petit nombre d'espèces de mollusques aquatiques.

Les espaces protégés ont un rôle important à jouer en tant que réservoirs d'espèces peu communes au niveau d'une région. Ils pourront ainsi contribuer, soit dans l'immédiat soit lorsque les conditions seront redevenus meilleures, à la recolonisation des milieux environnants.

La présence de telles «têtes de ponts» et importante car beaucoup de plantes ou d'animaux n'ont qu'un pouvoir de dissémination relativement faible :

• Les végétaux qui ont des graines volumineuses ne peuvent généralement coloniser que très progressivement de nouveaux milieux. Même parmi les plantes dont la dispersion est assurée par le vent, on trouve beaucoup d'espèces à capacité de colonisation médiocre car celle-ci dépend de la probabilité de survie de graines et de leurs chances d'atterrir sur un biotope corresp ondant aux exigences de l'espèce.

• Chez les animaux également, l'évolution de la répartition spatiale est parfois très lente, même lorsque des biotopes apparemment favorables pourraient être colonisés. En Angleterre, il a pu être montré qu'un rideau de buisson de 10 mètres de large suffisait à empêcher toute communication entre deux populations de Lysandra bel/argus (Lepidoptère).

1.2.6 - Les écotypes

Même pour les espèces dont le statut est globalement satisfaisant, il peut s'avérer intéressant de protéger certaines populations qui se sont développées dans des conditions écologiques particulières. En effet, des sous-populations isolées dans un environnement très sélectif développent souvent des caractères qui leur permettent une meilleure adaptation aux conditions du biotope qu'elles occupent. Ces écotypes possèdent des caractéristiques génétiques propres qu'il est important de préserver pour assurer le maintien à long terme de l'espèce dans le milieu considéré.

Les classifications des animaux et des végétaux en sous-espèces et races, qui ont pendant longtemps constitué l'essentiel du travail des taxonomistes, sont de plus en plus remises en cause par les travaux de la génétique moderne. En effet, les techniques actuelles qui permettent d'évaluer le degré de proximité phyllogénétique des groupes d'êtres vivants contredisent fréquemment les classifications établies sur des critères phénotypiques. Plutôt que de parler de sous-espèce, il est donc plus sûr de parler d'écotype lorsqu'il s'agit de désigner une population qui est demeurée confinée à l'intérieur d"unee aire bien délimitée et qui possède des caractéristiques génétiques particulières.

Dans cette catégorie on peut citer par exemple la Perdrix grise des Pyrénées qui appartient à l'espèce Perdrix perdrix mais qui ne descend que rarement en-dessous de 900 m d'altitude et qui est parfaitement adaptée aux conditions montagnardes. Cette population génétiquement distincte pourrait être menacée par l'hybridation avec des Perdrix issues des lâchés réalisés à des cynégétiques.

                                                                                                                                                        

(1) M.E.SOULE (1985) - What is conservation biology ? Biosciences, vol.35, p 727 - 734.

(2) Conseil de l'Europe (1983) : Liste des plantes rares, menacées et endémiques en Europe Voir également :
- LESOUEF (1986) : Les plantes endémiques et subendémiques les plus menacées de France. Conservatoire Botanique de Brest, 258 p.
- CHAUVET (1989) : Plantes sauvages menacées de France, bilan et protection. Actes du colloque de Brest, 8-10 Octobre 1987  - Lavoisier édition, Paris, 424 p.
- FILOSA (1989) : Les plantes messicoles dans le Parc Naturel du Lubéron et les contrées limitrophes. Leur statut en France. Conservatoire botanique de Porquerolles, Ministère de l'Environnement, 207 p.

(3) Voir par exemple :
- Conseil de l'Europe (1981) : Rhopalocères menacés en Europe
- Conseil de l'Europe (1987) : Invertébrés ayant besoin d'une protection spéciale en Europe
- Conseil de l'Europe (1988 ) : Protection des libellules (Ordonates) et de leurs bi otopes
- Conseil de l'Europe (1989 ) : Les invertébrés saproxilliques et leur protection
- Conseil de l'Europe (1990) : L'importance biologique et la conservation des hyménoptères en Europe
- OPIE (1987) : Les insectes protégés en Europe - Bilans et perspectives - Cahiers de liaison de l'OPIE, 24, (67), 87 p.
- COUTIN (1978) Raréfaction ou disparition des ins ectes - Cahiers de liaison de l'OPIE, 30, (3), p 10-12.
- GOFFART, BAGUETTE et STROOP (1989) ; Evaluation, élaboration, exécution et gestion d'actions urgentes visant à sauvegarder les espèces menacées de disparition; en priorité les plantes inférieures et les invertébrés - Partie l : Invertébrés.
Rapport à la direction générale de l'Environnement de la Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 148 p.
- THOMAS (1991) ; Rare species concervation, rare studi es of european butterflies. In : the scientific management of tempera te communities for concervation, 31 th symposium of the british ecological society, Southampton, 1989; p 149-197.
- COLLINS et THOMAS (1991) : The concervation of ins ects and their habitats. 15 th Symposium of the Royal Entomological Society of London.
Academic press, London, 450 p.