2.2 - Hiérarchisation des enjeux de protection














































Exemple n°15 : le héron bihoreau

Exemple n°16 : les orchidées des pelouses xérothermiques






Exemple n°17 : aire de répartition de Staehelinia dubia...

Exemple n°18 : aire de répartition de Coenonympha oedipus...





























































Exemple n°19 : aire de répartition européenne...





Exemple n°20 : aire de répartition de Triturus vulgaris...

Exemple n°21 : aire de répartition de Suncus etruscus...

Exemple n°22 : aire de répartition de Circaetus gallicus...











Exemple n°23 : les différents niveaux de perception...







































Exemple n°24 : relation entre le nombre d'espèces d'oiseaux...





























































































Exemple n°25 : répartition des différents types de formations végétales...





































Exemple n°26 : rapport entre la surface toujours en herbe...

 






































cadre n°3 : type d'écosystème et diversité biologique...









































cadre n°5 : impacts et menaces potentielles...




































cadre n°6 : modèle de tableau à réaliser...



 



















































cadre n°7 : l'utilisation des banques de données...





























































cadre n°8 : démarche d'analyse de la vulnérabilité d'une espèce...

 
























































cadre n°9 : modèle de tableau à réaliser pour la hiérarchisation...
















cadre n°10 : évaluation du niveau de rareté d'un habitat...































Exemple n°27 : utilité de l'évaluation de l'intérêt des biotopes...

 

Exemple n°28 : utilité de l'évaluation de l'intérêt des biotopes...

Exemple n°29 : utilité de l'évaluation de l'intérêt des biotopes...

Exemple n°30 : utilité de l'évaluation de l'intérêt des biotopes...

 

2.2.1 Principe de la hiérarchisation

2.2.2 Les critères de hiérarchisation

2.2.2.1 La rareté 

2.2.2.2 La diversité des espèces et des habitats 

2.2.2.3 La taille (surface d'un habitat ou effectif d'une population) 

2.2.2.4 Le caractère naturel, l'état de conservation et la représentativité des biotopes

2.2.2.5 La vulnérabilité des espèces et des biotopes

2.2.3 Proposition d'une démarche de hiérarchisation

2.2.3.1 Hiérarchisation de l'importance des espèces

2.2.3.2 Hiérarchisation de l'importance des habitats

2.2.1 - Principe de la hiérarchisation

Depuis une vingtaine d'années, de nombreux scientifiques se sont efforcés de mettre au point des méthodes «d'évaluation écologique» ou de «bioévaluation» (1)

A part quelques situations précises (bio-indicateurs hydrobiologiques ou pédologiques, analyse de la diversité spécifique ... ), ces travaux se sont avérés assez décevants, surtout en ce qui concerne leurs possibilités d'application pour la mise au point des politiques de protection. La plupart des méthodes proposées se basent en effet sur des recensements très complexes et les gestionnaires n'ont que rarement la possibilité de les mettre en oeuvre. Pour arriver à une évaluation objective et rigoureuse, la plupart des auteurs s'appuient d'autre part sur une quantification de nombreux paramètres. Or, dans la plupart des cas, cette quantification suppose des choix arbitraires (sur quelle base peut-on décider qu'une espèce est plus importante qu'une autre ?). Les méthodes de cotation qui sont proposées possèdent ainsi une apparence de rigueur puisqu'elles aboutissent à l'établissement d'indices mathématiques mais elles reposent en réalité sur des bases empiriques.

Il est donc illusoire de rechercher une méthode toute faite de quantification de l'intérêt patrimonial, qui serait directement applicable dans le cas de la gestion des espaces protégés. Il est cependant possible d'adopter une démarche d'analyse pragmatique qui permette au gestionnaire d'avoir une vision objective des différents types d'enjeux qui sont représentés à l'intérieur de l'espace dont il a la responsabilité.

La méthode qui est proposée ici s'inspire de celle qui est utilisée en Grande Bretagne par le Nature Conservancy Council (2) pour la sélection et la gestion des «Sites spéciaux d'intérêt scientifique» (S.S.S.1.) ainsi que de celles qui ont été mises au point en Hollande (3). Elle n'a pas a proprement parler pour but de quantifier l'intérêt patrimonial mais plutôt de classer les différents types d'enjeux sur la base de critères pré-établis.

2.2.2 - Les critères de hiérarchisation

La hiérarchisation des enjeux de protection ne peut pas se faire sur la base d'un seul critère ni en faisant un amalgame sans distinction entre des critères très différents. Les notions de rareté et de vulnérabilité sont ainsi très souvent confondues bien qu'il s'agisse de concepts distincts: il existe en effet des espèces qui sont peu abondantes tout en connaissant une évolution suffisamment favorable pour qu'on ne puisse pas les considérer comme réellement menacées (exemple n°15). Inversement, d'autres espèces sont encore relativement communes mais elles vont régresser rapidement dans un avenir proche. C'est le cas par exemple en France pour les plantes ou les invertébrés qui sont inféodés aux pelouses calcaires (exemple n°16). Il est donc important que les critères de hiérarchisation soient clairement définis et qu'ils soient utilisés de façon pertinente.

2.2.2.1 - La rareté 

La notion de rareté donne souvent lieu à des controverses: mis à part les quelques taxons tout-à-fait exceptionnels qui ne prêtent pas à discussion, il arrive souvent que les naturalistes aient du mal à s'accorder sur ce qui est rare et ce qui ne l'est pas. Tout dépend en effet de l'étendue de l'aire de référence, de l'échelle à laquelle on se place ainsi que des paramètres quantitatifs que l'on utilise.
Pour avoir une approche plus rationnelle, il faut avant tout considérer qu'il existe différents niveaux de rareté et différents types de rareté.

  • Les niveaux de rareté

Dans le département de la Somme, il n'existe qu'une seule station d'Orchis brûlé (O. ustulata). Or il s'agit d'une espèce de milieux prairiaux et de boisements ouverts qui est très largement répandue en France. De la même façon la Steline douteuse (Staehelina dubia) est classée comme espèce protégée dans la région Poitou-Charente alors qu'il s'agit d'une plante très commune des garrigues méditerranéennes et que son aire de répartition déborde très largement sur de nombreux départements du Sud-Ouest de la France (exemple n°I7).
Inversement, le papillon Coenonympha oedipus peut apparaître comme étant commun à un entomologiste de la région des Landes de Gascogne puisqu'il est présent absolument partout à l'intérieur de cette aire restreinte (exemple n°I8). Il s'agit cependant d'une espèce qui est très localisée au niveau européen et qui figure à ce titre dans l'annexe II de la Directive Habitats de la C.E.E.
Ces exemples illustrent la relativité de la notion de rareté. La rareté est en effet la plupart du temps perçue par les naturalistes au niveau de leur zone de prospection qui se limite souvent à un ou deux départements ou à une région donnée. Ils sont donc amenés à porter une appréciation qui, sans être fausse, est différente de celle qui pourrait être portée en considérant la totalité de l'aire de répartition de l'espèce.

Pour éviter ce genre de confusion, on distingue généralement quatre niveaux de rareté :

- le niveau international
- le niveau national
- le niveau régional
- le niveau local.

Le qualificatif d'espèce ou de biotope «rare» doit donc toujours être accompagné de l'indication du niveau de référence.

 

  • Les types de rareté

Lorsqu'on s'intéresse à la biogéographie des espèces ou des biotopes on est frappé par la diversité des situations: en dehors des taxons réellement cosmopolites, il existe une grande variété de cas de figures qui peuvent tous, d'une manière ou d'une autre, se voir attribuer le qualificatif de «rare». Pour simplifier, on peut distinguer les situations suivantes :

- Les endémiques :

Il s'agit d'entités taxonomiques qui sont limitées à une aire géographique précise. L'étendue de cette aire peut cependant être très variable: dans le cas par exemple de la Barbe de Jupiter (Anthyllis barbajovis) qui est représentée sur tout le littoral espagnol, français et italien de la Méditerranée, on peut parler d'endémique ouest méditerranéenne. Le Narcisse des Glenans par contre (Narcissus triandus ssp. capax) ne se rencontre que sur des îlots qui ne couvrent au total que quelques km2. On peut distinguer les endémiques reliques (ou paléoendémiques) qui sont les vestiges d'une ancienne répartition plus vaste, des néoendémiques qui appartiennent à des groupes en pleine évolution et qui se sont formées récemment en raison de l'isolement (naturel ou artificiel) d'une population donnée. Dans la première catégorie on peut citer par exemple Ramonda pyrenaica qui est le seul représentant de la famille tropicale des Gesnéracées et qui constitue dans les Pyrénées une relique issue d'une période climatique plus chaude au cours de laquelle le groupe avait une répartition beaucoup plus étendue.
Dans la seconde catégorie on peut citer la sous-espèce de Gorgebleue namnetum (Luscinia svecica namnetum) qui est limitée à la partie française du littoral du golfe de Gascogne: du fait de la spécificité de ses exigences écologiques, cet oiseau a été confiné en France dans les zones de marais saumâtres et s'est ainsi trouvé séparé de l'aire principale de reproduction de l'espèce qui se trouve en Europe de l'Est. Cette séparation a conduit à l'apparition d'une sous-espèce endémique qui présente des caractères externes particuliers. Le fait qu'un taxon soit qualifié d'endémique ne signifie donc pas obligatoirement qu'il doive être considéré comme étant d'une rareté de niveau international: comme pour les autres cas de figure, c'est essentiellement l'étendue de l'aire de répartition qui permettra de trancher ( voir § 2.2.3).

- Les espèces ou les groupements localisés ou à «aire disjointe»

Il existe de nombreux taxons qui, sans être endémiques d'une zone géographique donnée, ont une répartition très limitée. C'est le cas par exemple des espèces qui sont inféodées aux zones de montagne, aux dunes, aux tourbières, aux milieux salés continentaux etc ... Pour analyser leur statut de rareté, il convient de prendre en considération l'éloignement des différents noyaux. En effet, la répartition des espèces est rarement continue lorsqu'on en établit une carte précise mais si l'espace entre les îlots est relativement limité, on parlera simplement d'aire fragmentée. Par contre si, à l'échelle du continent, cet espace est suffisamment vaste on parlera d'aire disjointe. Ici aussi, la répartition observée est le plus souvent d'origine paléoclimatique : l'exemple n°19 montre à la fois la localisation actuelle de Dryas octopetala et sa représentation dans les sédiments datant de l'époque glaciaire. On voit ainsi qu'elle occupait une zone beaucoup plus étendue pendant les périodes froides et qu'elle a actuellement une aire disjointe car elle a trouvé refuge au niveau des chaînes de montagne.
Ici aussi, c'est l'examen de la carte de répartition qui permet d'apprécier le niveau de rareté: une espèce à aire disjointe peut au total être suffisamment bien représentée au niveau d'un continent alors qu'elle apparaîtra très localisée à l'échelle d'un pays particulier.

- Les espèces ou les groupements situés en limite ou en dehors de leur aire normale de répartition

Le triton ponctué (Triturus vulgaris) est une espèce largement répandue en Europe, à l'exception des zones méridionales où il est absent. En France, il occupe essentiellement la moitié Nord du pays (exemple n°20). Les stations qui ont été localisées en Poitou Charente, en Auvergne ou en Rhône-Alpes correspondent donc à des avancées extrêmes de l'espèce vers le Sud et elles présentent à ce titre un intérêt biogéographique particulier. De la même façon, la Musaraigne étrusque (Suncus etruscus) peut être considérée comme rare dans le couloir rhodanien ou en Charente maritime bien qu'elle soit très fréquente dans tout le bassin méditerranéen (exemple n°21).

- Les espèces à faible effectif 

L'analyse de la répartition n'est cependant pas toujours suffisante pour apprécier le niveau de rareté d'une espèce. En effet, les cartes sont généralement établies à très grande échelle et une maille représente une surface importante (560 km2 pour le maillage IGN). Si chaque point ne correspond qu'à un très petit nombre d'individus, il est possible que les effectifs totaux soient faibles, même si la carte semble relativement bien couverte. Or, du point de vue de la biologie de la conservation, c'est le nombre d'individus qui doit être pris en considération puisqu'on sait qu'une population de petite taille est particulièrement vulnérable (voir première partie, fiche 1.2).

La rareté doit donc être également appréciée, lorsque cela est nécessaire, au travers d'une estimation des effectifs. L'exemple n°22 montre que le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus) semble relativement abondant en France puisqu'il est représenté dans près du tiers des mailles de la carte. Il s'agit en fait d'un oiseau à très grand territoire et ses effectifs nicheurs ne doivent guère dépasser un millier de couples.

2.2.2.2 - La diversité des espèces et des habitats

Ainsi qu'il a été vu dans la première partie, le maintien de la diversité biologique est une des fonctions essentielles des espaces protégés. Ceux-ci constituent en effet souvent le seul moyen de conserver des éléments du patrimoine naturel qui ne peuvent plus se maintenir de façon satisfaisante dans le cadre de la nature «ordinaire».

Cette fonction s'apprécie cependant à une échelle relativement vaste puisqu'il s'agit de conserver des ensembles naturels qui sont rares ou menacés à l'échelle d'une région, d'un pays ou d'un continent. Dans le cadre de la hiérarchisation des enjeux lors de la définition des objectifs de gestion, le problème est différent puisqu'il s'agit de savoir si certains éléments constitutifs de l'espace protégé méritent une attention particulière en raison de leur diversité structurelle. On doit donc s'intéresser ici à la diversité intra-biotope (que l'on qualifie souvent de diversité ex (4), et que l'on doit distinguer de la diversité des autres niveaux d'analyse qui sont présentés dans l'exemple n°23).

Il est généralement admis que la richesse spécifique est un bon indicateur de la qualité d'un écosystème. On a même longtemps considéré que la diversité était un facteur déterminant pour leur stabilité (5) mais il a été démontré par la suite qu'il est difficile d'établir une règle générale (6). En fait, dans le cas de l'analyse de la qualité intrinsèque d'un biotope ou d'un peuplement, c' est surtout la diversité comparée à une situation optimale qui est à prendre en considération (7). On cherche en effet essentiellement à sa voir si les biotopes ou les peuplements possèdent des caractéristiques «normales» ou s'ils n'ont pas été appauvris pour une raison ou pour une autre. On voit donc que l'analyse de la diversité devra être abordée de façon relative en comparant le biotope considéré avec d'autre biotopes du même type.

Il ne s'agit en aucun cas de comparer des milieux différents entre eux et d'accorder une importance prépondérante à celui qui sera le plus diversifié.

De nombreux milieux présentant un intérêt patrimonial exceptionnel sont naturellement pauvres en espèces. C'est le cas d'une manière générale pour les biotopes qui correspondent à des conditions écologiques extrêmes: milieux dunaires, sols très acides (landes et tourbières oligotrophes), affleurements rocheux ... Les facteurs physiques y ont une forte valeur sélective sur les êtres vivants si bien que les biocénoses sont très spécialisées. Elles sont en revanche peu diversifiées. On y rencontre par contre un grand nombre d'espèces peu communes qui sont généralement très vulnérables car elles sont sensibles au moindre changement des conditions du milieu.

Le même genre de considérations peut s'appliquer aux biotopes soumis à des contraintes alternées ou des variations fortes et imprévisibles des facteurs physiques (milieux soumis à assèchement estival, lagunes saumâtres, zones d'éboulis ou coulées d'avalanches ... )
Inversement, des milieux communs peuvent avoir, au moins temporairement, une diversité spécifique très forte. C'est le cas par exemple des coupes forestières où le stock de graines accumulé trouve tout à coup des conditions favorables d'éclairement qui entraînent une augmentation considérable du nombre d'espèces du tapis herbacé. Il ne s'agit cependant que des plantes pionnières ou ubiquistes qui sont généralement banales. Cette phytocoenose très temporaire a d'autre part un cortège faunistique associé qui est très limité et qui n'a pas de spécificité particulière.

Outre la richesse spécifique des peuplements végétaux et animaux, il semble d'autre part important de prendre en considération la diversité structurelle des biotopes :

  • La diversité des habitats au sein d'un même biotope peut prendre différentes formes :

- présence de différents stades d'une même série de végétation,
- présence d'une microtopographie, d'affleurements rocheux, variation des conditions hydrauliques, différences dans l'exposition à la lumière, au vent, etc ... ,
- présence de différences dans l'influence des facteurs antropiques : variation des pressions de pâturage, répartition des activités agricoles ou forestières ... ,
- présence d'un mélange d'essences forestières et/ou d'arbres d'âges différents (y compris des arbres morts ou vieillissants),
- etc ...

  • La diversité de la stratification de la végétation dont l'influence sur la richesse des peuplements faunistiques a été souvent démontrée, en particulier dans le cas des peuplements d'oiseaux (exemple n°24).

 

2.2.2.3 - La taille (surface d'un habitat ou effectif d'une population)

Les espaces protégés des pays de l'Europe de l'ouest sont toujours de très petites superficies et cette contrainte hypothèque dans une large mesure la probabilité de survie de nombreuses espèces animales et végétales (voir fiche 1.2). Ce raisonnement est a fortiori valable lorsque l'on considère les différents types de biotopes qui constituent un espace protégé: du fait de l'histoire du milieu et en particulier en raison de l'action de l'homme depuis qu'il a commencé à modifier l'occupation du sol, les paysages se présentent souvent sous la forme d'une mosaïque d'unités très réduites. On a souvent tendance à considérer que ce phénomène a un effet favorable sur la diversité spécifique puisqu'au niveau d'un site donné, le fait de multiplier les biotopes permet d'augmenter le nombre des espèces. Ce renforcement local de la diversité masque un appauvrissement à plus grande échelle: chaque biotope étant de superficie très restreinte, il est en réalité appauvri et la diversité qui peut être évaluée à une échelle plus vaste est donc inférieure à celle qui serait obtenue avec une moindre fragmentation de l'espace (8).

Le fait de constater qu'un type d'habitat peu commun est présent sur une grande surface constitue donc un facteur important pour l'appréciation de son intérêt dans le cadre d'une réflexion sur les priorités de protection (9). Non seulement les espèces animales ou végétales qui le composent auront une plus forte probabilité de survie mais l'écosystème dans son ensemble a plus de chances d'avoir un caractère fonctionnel se rapprochant de l'état optimal.

Comme souvent, il convient cependant de considérer avec prudence les données qui sont directement issues des recherches fondamentales. En effet, en écologie, il y a toujours loin de la théorie à la pratique et il est difficile de trouver des règles générales qui conviennent parfaitement à tous les cas de figure. Ainsi il existe des espèces qui ne peuvent se maintenir que dans un ensemble d'habitats associant des structures de végétation très diverses: c'est le cas par exemple de certaines chauves-souris telles que le grand Rhinolophe qui chasse les gros insectes et qui a besoin d'avoir différents types de ressources à chaque période de l'année. La Bécasse des bois a besoin quant à elle de deux types d'habitats complémentaires: des milieux boisées pour se remiser et nicher et des espaces de prairies pour se nourrir. Par contre, il existe également d'autres espèces qui ne peuvent se maintenir qu'au sein d'une formation végétale parfaitement homogène sur une étendue relativement vaste: le Pic noir par exemple ne colonise que les zones forestières qui couvrent plusieurs kilomètres carrés.

Comme on le voit, il est donc difficile d'établir une règle générale pour tous les types d'habitats et pour toutes les espèces: s'il est certain que la surface des biotopes est un paramètre écologique très important, sa prise en considération doit être faite en regard des autres types d'enjeux qui auront pu être dégagés. Ainsi, lorsqu'on est en présence d'un type de milieu particulièrement rare on doit s'attacher à réunir un maximum de conditions nécessaires à sa conservation à long terme et essayer de maintenir, voire d'accroître, sa superficie. Par contre, si les milieux représentés sont assez communs mais qu'un maximum de diversité peut permettre le maintien d'une espèce qui constitue un enjeu majeur, on n'hésitera pas à favoriser le type de végétation qui lui est nécessaire, quitte à fragmenter l'espace.

2.2.2.4 - Le caractère naturel, l'état de conservation et la représentativité des biotopes

En Europe occidentale il n'existe que très peu de biotopes qui soient à proprement parler «naturels» : en dehors des milieux de très haute montagne, des grottes, des falaises inaccessibles, tout l'espace a été profondément remanié par l'homme. On peut cependant distinguer les milieux qui n'ont été que partiellement transformés et que l'on qualifie généralement de «seminaturels », des milieux très artificialisés qui correspondent aux zones d'agriculture intensive, aux secteurs urbanisés, etc.

Les milieux semi-naturels ont été façonnés progressivement depuis les débuts de l'humanité: à partir d'un fonds d'espèces «originelles» de nouvelles biocénoses se sont organisées au cours du temps en fonction des modifications que l'homme faisait subir aux écosystèmes (voir fiche 1.3). Lorsqu'on analyse les paramètres qui conditionnent la richesse et la stabilité de ces biocénoses, on constate que le facteur temps joue un rôle essentiel. En effet, quand un écosystème est modifié, les processus d'interactions entre les différentes espèces sont désorganisés et ils se réadaptent progressivement jusqu'à ce qu'un nouvel équilibre, plus ou moins stable, puisse réapparaître. Dans tous les cas, cette réadaptation est très lente: si l'évolution des conditions du milieu après la perturbation est immédiatement perceptible, l'apparition d'un nouvel équilibre est rarement observable dans un espace de temps à échelle humaine. Par contre, dans un agroécosystème seminaturel qui n'a pas subi de perturbation récente, les biocénoses ont eu plusieurs siècles pour s'adapter et on observe une relative stabilité des conditions écologiques. C'est le cas par exemple dans une zone de bocage à condition que l'activité économique propre à ce type de milieux (pâturage) continue à se manifester sans modification.

Lorsqu'on traite du caractère «naturel» d'un biotope on fait donc surtout référence à l'absence de perturbation récente du fonctionnement écologique. Du point de vue de la conservation du patrimoine naturel, il s'agit d'un point très important car l'intérêt écologique et le caractère «fonctionnel» d'un biotope dépend dans une large mesure de son histoire récente. Le fait de prendre en considération son aspect global n'est pas toujours suffisant pour percevoir s'il a été perturbé. Pour citer un exemple extrême, on pourrait considérer que, pour un néophyte, un boisement de Douglas ressemblerait beaucoup à une pessière ou à une sapllllere. Or, il s'agit d'un peuplement récent basé sur une espèce introduite qui n'a qu'une faune associée très pauvre et qui ne peut en aucun cas avoir le même intérêt patrimonial qu'une pessière ou une sapinière naturelles des Alpes ou des Pyrénées. Celles-ci, bien qu'ayant été modifiées par la sylviculture, correspondent souvent à des formations climaciques.

De la même façon, une prairie artificielle de Ray-grass peut avoir un aspect assez identique à une prairie naturelle mais la première devra obligatoirement être réensemencée tous les deux ou trois ans au minimum pour garder ses caractéristiques alors que la seconde restera à peu près stable pendant un temps indéterminé pour peu qu'elle soit régulièrement fauchée ou pâturée.

Des échelles d'artificialisation ont pu être établies en classant les différents types de milieux en fonction de l'importance de l'influence antropique (exemple n°25). Le résultat est toujours un peu arbitraire car il est difficile d'affirmer à priori qu'une lande est plus ou moins artificialisée qu'un taillis de feuillus mais cet exercice a l'intérêt d'inciter à la réflexion sur l'origine, l'évolution et les conditions de maintien des milieux semi-naturels.

En fait, dans le cas de la démarche de hiérarchisation de l'intérêt des biotopes d'un espace protégé, il convient surtout de rechercher s'il n'y a pas eu, dans un passé plus ou moins récent, d'intervention forte de l'homme qui aurait pu en perturber le fonctionnement écologique. Ce travail est parfois difficile car la cicatrisation végétale se fait souvent assez rapidement en faisant disparaître les traces de travaux de terrassement, des anciennes mises en culture ou même des dépôts de matériaux. C'est donc souvent par le biais d'enquêtes ou d'analyses de photographies aériennes que l'on pourra savoir si le milieu est réellement resté intact. La méthode la plus efficace du point de vue de l'approche écologique du milieu consiste cependant à effectuer des relevés de végétation méthodiques et à les comparer avec des groupements végétaux similaires situés à proximité. Outre un diagnostic sur l'état de conservation et sur la «typicité» du biotope, cette démarche apportera de précieux renseignements sur son fonctionnement ainsi que sur les facteurs susceptibles d'induire des différences stationnelles.

2.2.2.5 - La vulnérabilité des espèces et des biotopes

Les mesures de protection sont d'autant plus urgentes que les biotopes ou les espèces considérées sont menacées à court terme. Pour tenir compte de ce facteur, le gestionnaire doit non seulement réfléchir sur les risques qu'encourent les zones qu'il gère mais il doit également s'efforcer de prendre en considération l'évolution probable de l'ensemble des milieux de même type.

Il existe en effet des écosystèmes de grande valeur écologique mais qui ne sont pas menacés dans l'immédiat : c'est le cas par exemple de la plupart des biotopes de haute altitude (à l'exception de ceux qui font l'objet d'une fréquentation humaine importante), d'une grande part des pré-salés de la Manche et de l'Atlantique (à condition qu'on n'envisage pas d'installer des ports de plaisance à leur place), des chênaies vertes en milieu méditerranéen (tant qu'elle ne sont pas situées en zone constructible), des chênaies pubescentes sur causses calcaires, de beaucoup de cours d'eau situés dans les zones à faible densité de population etc ... Par contre, d'autres types de milieux qui sont encore relativement communs sont appelés à se raréfier, voire même à disparaître de régions entières. Il s'agit le plus souvent de formations qui dépendent de productions agricoles ou forestières qui ne sont plus rentables et qui régressent au fur et à mesure que les agriculteurs âgés partent à la retraite.

Si on analyse par exemple l'évolution des prairies naturelles en France, on constate que celles-ci ont toujours été inégalement réparties mais qu'elles étaient représentées, à des degrés divers, sur l'ensemble du territoire (exemple n°26). Or la recomposition du paysage agricole qui se met en place actuellement est organisée sur la base d'une spécialisation des productions: l'élevage extensif va ainsi être de plus en plus limité à certaines zones (Auvergne, Limousin, Bourgogne, Normandie) et, dans toutes les autres régions où il était présent dans le cadre d'une organisation de type polyculture, il va se raréfier de plus en plus . On peut donc considérer que les types d'écosystèmes prairiaux propres aux conditions climatiques et édaphiques de certaines régions sont amenés à disparaître. Cette évolution n'est pas pour l'instant très sensible par tout car il reste encore des prairies naturelles, mais elle semble inéluctable.

L'analyse de la vulnérabilité des différents éléments qui constituent un espace protégé est donc fondamentale pour la hiérarchisation des enjeux de protection. Cette notion de vulnérabilité est cependant relativement complexe car elle fait appel à la fois aux caractéristiques propres de l'écosystème considéré et aux différents types d'événements extérieurs qui peuvent en perturber le fonctionnement.

La fragilité intrinsèque des espèces et des biocénoses

  • Les espèces La pression de sélection a favorisé différents types de stratégies chez les êtres vivants (10) :

- Il existe des espèces qui ont naturellement un taux de natalité très élevé ainsi qu'une vitesse de renouvellement des générations importante et qui disposent en permanence d'une «réserve d'individus» qui leur permet de s'adapter aux conditions du milieu. La croissance de ces espèces est régulée généralement par la compétition interspécifique (prédation) ou par des facteurs limitants du milieu (disponibilités alimentaires...).

- D'autres espèces ont au contraire un taux de natalité faible mais elles ont une grande longévité et ne supportent qu'une pression de prédation peu importante.

On conçoit que les espèces de la deuxième catégorie soient les plus vulnérables: ayant des réserves de population faibles, elles auront plus de difficultés à survivre à toute atteinte extérieure qui provoquera une surmortalité. C'est le cas en particulier des vertébrés supérieurs qui sont situés en fin de chaîne alimentaire : grands rapaces, mammifères carnivores, ...

Dans certains cas, la fragilité intrinsèque d'une population peut résulter de son histoire propre. Ainsi, dans le cas du guépard d'Afrique, il a pu être montré que les effectifs sont tombés très bas à deux reprises dans l'histoire de l'espèce si bien qu'il s'est produit des «goulets d'étranglements génétiques» qui ont entraîné un fort taux d'homozygotie chez les populations qui survivent aujourd'hui. Cette faible diversité génétique est un facteur de vulnérabilité pour l'espèce (voir fiche1.2).

Les biocénoses

De la même façon, il a pu être montré qu'il existe différents types de «stratégies coenotiques» (voir cadre n°3) :

- Certaines communautés ont une faible diversité spécifique qui est compensée par un grand nombre d'individus et des facultés d'adaptation importantes de chacune des espèces afin d'assurer la permanence de l'écosystème.

- D'autres sont au contraire composées de nombreuses espèces dont beaucoup occupent des niches écologiques voisines (espèces «redondantes» au sein de l'écosystème).

Si un facteur défavorable intervient, la biocénose pourra se maintenir dans le premier cas grâce à la plasticité des espèces et dans le second grâce à leur caractère interchangeable. Dans nos milieux naturels très modifiés où la probabilité d'un événement «catastrophique» est assez forte, la première situation est souvent un facteur de fragilité des biocénoses car il suffit qu'une seule espèce disparaisse pour que tout le réseau d'interaction de l'écosystème soit perturbé de manière importante.

D'une façon générale, on peut considérer que les biocénoses qui sont adaptées aux conditions écologiques les plus extrêmes (voir ci-dessus § 2.2.2.2 sur la diversité) sont celles qui sont les plus vulnérables. La spécialisation écologique est en effet souvent synonyme de fragilité par rapport aux modifications des conditions du milieu. Ainsi, le maintien des tourbières acides dépend dans une large mesure de la stabilité des conditions climatiques, du niveau de la nappe, du pH des apports en eau etc ... Il suffit qu'une modification minime intervienne dans la qualité d'un effluent pour que le milieu soit radicalement modifié.

D'autres écosystèmes ont au contraire une capacité de résistance aux perturbations particulièrement forte (11). Il s'agit souvent de biocénoses qui sont adaptées aux modifications fréquentes et imprévisibles des conditions du milieu et qui gardent en permanence un caractère pionnier. C'est le cas par exemple pour les peuplements végétaux des rivières à régime semi-torrentiels des piémonts montagnards.

Les menaces

L'évaluation des menaces qui pèsent sur un biotope ou sur une espèce est assez difficile car il s'agit de porter une appréciation à relativement long terme. En effet, les choix qui sont réalisés dans le cadre du plan de gestion ne font souvent sentir leurs effets qu'au bout de plusieurs années. Or les menaces peuvent changer très vite, en fonction de l'évolution des conditions économiques, des modifications des activités humaines, de l'apparition de pathologies nouvelles ou d'espèces compétitives etc ...

Les responsables des espaces protégés doivent donc être des observateurs attentifs de l'évolution de leur environnement, même s'ils n'ont pas la possibilité de réaliser de véritables études prospectives. Ils doivent en tout cas adapter fréquemment leur diagnostic et s'attendre en permanence à voir apparaître de nouveaux facteurs susceptibles de perturber l'équilibre de certains écosystèmes. Ainsi, il y a quelques années, personne ne pouvait envisager que les sanctuaires situés dans les profondeurs des canyons calcaires seraient envahis par des amateurs de sensations fortes ou que l'escalade des parois inaccessibles connaîtrait un engouement tel que, dans certaines régions, plus aucun rapace rupestre ne pourrait y nicher sans être dérangé.

Face à de telles situations la réaction des gestionnaires des espaces protégés est plus efficace lorsqu'ils ont observé l'apparition des phénomènes et qu'ils ont pu anticiper sur leur développement.

Le concept de «menace» est d'autre part assez complexe puisqu'il dépend de la probabilité d'apparition d'un événement néfaste, de l'importance de l'impact prévisible et de la persistance de ses effets :

  • Probabilité de l'impact :

Lorsqu'on considère par exemple qu'une zone est menacée par une éventuelle extension de l'urbanisme, il n'est pas absolument certain qu'elle sera détruite puisque son avenir dépendra de l'évolution du marché immobilier, de la façon dont sera conçu le plan d'occupation des sols etc ...
Par contre, si il existe réellement un projet d'urbanisme et qu'il a reçu un accord administratif (attribution du permis de construire sans possibilité de recours judiciaire), la probabilité de conservation du milieu en l'état est très faible. L'analyse des menaces qui pèsent sur un type d'habitat ou sur une espèce particulière doit donc tenir compte de la probabilité avec laquelle les événements envisagés peuvent survenir.

  • Importance de l'impact :

Les différents types de menaces doivent d'autre part être considérés en fonction de l'importance de l'impact qu'elles sont susceptibles d'induire. Les conséquences ne seront en effet pas les mêmes selon que l'impact provoquera la disparition complète d'un écosystème, ou une perturbation limitée de son fonctionnement écologique. 

  • Persistance et réversibilité de l'impact :

Certains impacts peuvent avoir un effet définitif alors que d'autres ne sont que passagers. Ainsi, bien qu'il corresponde à une évolution « naturelle », le boisement spontané d'une prairie humide a généralement des conséquences durables: une fois que les arbres sont installés il est très coûteux de réaliser un défrichement et de restaurer l'état ancien. Par contre, le dérangement de la faune sauvage par la fréquentation touristique peut souvent être résolu assez facilement: il suffit d'aménager des accès pour préserver des zones de quiétude et les animaux recolonisent rapidement les biotopes lorsque ceux-ci sont favorables.

  • L'analyse de l'importance des impacts doit donc tenir compte également de leur persistance et de leur réversibilité.

2.2.3 - Proposition d'une démarche de hiérarchisation

2.2.3.1 - Hiérarchisation de l'importance des espèces

Le cadre n°6 présente le modèle de tableau à réaliser.

- Statut de protection

 

Statut de protection
Dir. Hab. Dir. Ois. liste rouge UICN liste rouge nat. Esp. prot. nat. Esp. prot. rég.
           


En plus du statut de protection proprement dit cette rubrique inclut les listes d'espèces menacées.
Il suffit de cocher la colonne correspondante selon que l'espèce figure dans l'annexe II de la Directive Habitats, dans l'annexe 1 de la Directive oiseaux, sur la liste rouge de l'U.I.C.N. (Red data book) ou sur une liste d'espèces protégées nationale ou régionale.

- Rareté

Statut de rareté
Niveau local Niveau régional Niveau national Niveau internat.


Pour chacun des niveaux de rareté, le statut de l'espèce sera codé de la façon suivante :
- espèce commune : *
- espèce peu commune : * *
- espèce rare : * * *
- espèce très rare : * * * *

On analysera tout d'abord ce statut de rareté en se basant sur les données relatives à la répartition de l'espèce :
- Pour les végétaux, la plupart des flores décrivent succinctement l'aire de répartition des espèces et donnent des indications sur le type de milieu qu'elles colonisent. La flore de FOURNIER par exemple (12) estime le niveau de rareté nationale ou régionale selon le code suivant :
CC : très commun
C : commun
AR : assez rare
R : rare
RR : très rare.

L'atlas partiel de la flore de France (13) fournit par ailleurs une cartographie de 645 espèces et l'Atlas Florae Europaeae, qui est en cours de parution, permet d'ores et déjà de connaître la répartition européenne de toutes les espèces qui, dans l'ordre de classification, sont situées entre les Pteridophytes et les Orchidacées (14.).

Enfin, il existe de très nombreuses flores régionales dont certaines, de partition récente, fournissent non seulement des indications sur la rareté des plantes mais également des cartes de répartition. La flore forestière française présente quant à elle une carte sommaire de répartition de chaque espèce décrite (15).

- Pour les vertébrés il existe des atlas nationaux des oiseaux nicheurs, mammifères, amphibiens et reptiles, poissons d' eau douce ainsi que des oiseaux de France en hiver. La plupart des manuels d'identification fournissent des indications sur l'étendue des aires de répartition. Plusieurs régions possèdent en outre des atlas des mammifères ou des oiseaux nicheurs.

- Pour les invertébrés, le problème est souvent plus difficile car la répartition de beaucoup d'espèces et même de groupes entiers est mal connue. Le SFF est actuellement en train de préparer des atlas nationaux mais les cartographies complètes ne seront disponibles que dans plusieurs mois. Beaucoup de guides d'identification fournissent cependant des indications précieuses sur la distribution. Certains d'entre eux présentent même des cartes de répartition au niveau européen.

Le problème qui se pose est de savoir à partir de quand on peut admettre qu'une espèce est rare. Il n'existe naturellement pas de référence absolue mais on peut admettre les seuils suivants :
- Espèce commune : espèce qui est répartie sur plus de 10 % du territoire considéré.

- Espèce peu commune : espèce qui est présente sur moins de 10 % du territoire considéré (soit pour la France, moins de 155 mailles du quadrillage IGN)

- Espèce rare : espèce qui est présente sur moins de 1 % du territoire considéré (soit pour la France, moins de 15 mailles du quadrillage IGN)

- Espèce très rare : espèce qui n'est présente que sur quelques stations ou localités.

Ainsi, si une espèce couvre moins de 10 % du territoire européen, elle sera considérée comme rare au niveau international, si elle dépasse ce seuil mais qu'elle n'est présente en France que sur moins de 10 % des mailles de la carte, elle sera considérée comme rare au niveau national.

Ces seuils ne sont donnés qu'à titre tout à fait indicatif afin que tous les utilisateurs disposent d'une référence approximative commune. Il ne leur sera généralement pas nécessaire de se livrer à des exercices laborieux de planimétrie ou de comptage des mailles de la carte de répartition: la plupart du temps, les espèces pourront très rapidement être classées par simple comparaison avec une surface correspondant à 10 % de la carte considérée.

Ainsi qu'il a été indiqué dans le paragraphe 2.2.2, il est souvent nécessaire de relativiser les indications portant sur les aires de répartition en prenant en compte les effectifs. Cette précision est essentiellement valable pour les vertébrés car il est peu probable qu'une espèce de plante ou d'insecte ait un nombre d'individus très faible tout en étant assez largement répandu. On pourra utiliser un barème qui se rapproche de celui qui a servi à la réalisation de l'atlas des oiseaux nicheurs de France :

- Espèce commune (ou assez commune) : plus de 10 000 individus

- Espèce peu commune : de 1 000 à 10 000 individus

- Espèce rare : de 100 à 1 000 individus

- Espèce très rare : moins de 100 individus.

Par ailleurs, pour les oiseaux dont les effectifs globaux sont assez souvent connus, on admet des seuils exprimés en pourcentages. Ainsi, un site d'intérêt européen pour une espèce est un site qui accueille au moins 1 % de la population de cette espèce.

- Dynamique de l'espèce

Dynamique de l'espèce
Niveau local Niveau régional Niveau national Niveau internat.


Dans la mesure où des informations sont disponibles, il est important d'essayer d'apprécier si l'espèce évolue de façon satisfaisante ou si elle est en régression.
Comme cette situation peut être différente selon l'aire géographique à laquelle on se réfère, on réalisera une estimation au niveau international, national, régional et local. Dans chacun des cas, le statut sera codé de la façon suivante :

- Effectifs en augmentation: *
- Effectifs stables: * *
- Régression modérée : * * *
- Régression importante : * * * *

- Vulnérabilité

Vulnérabilité de l'espèce
Niveau local Niveau régional Niveau national Niveau internat.


Ici aussi on analysera la vulnérabilité aux différents niveaux biogéographiques puisqu'une espèce peut être très menacée localement sans l'être sur le reste de son aire de répartition et inversement.
Ainsi qu'il a été indiqué au § 2.2.2.5, l'analyse tiendra compte à la fois de la fragilité intrinsèque de l'espèce considérée, de l'importance des menaces qui la concerne et de la persistance des impacts prévisibles. Comme il est difficilement envisageable de réaliser une quantification de ces différents paramètres et de les synthétiser de manière rigoureuse, il est proposé de les classer simplement en fonction de leur importance supposée et de définir ensuite la vulnérabilité globale de l'espèce (cadre n°8). Comme pour le reste de la démarche, ce procédé a essentiellement pour but d'inciter le gestionnaire à réaliser une réflexion méthodique et à visualiser le résultat de cette réflexion afin de faire apparaître des éventuelles incohérences. La vulnérabilité sera codée de la façon suivante :

- Vulnérabilité faible : *
- Vulnérabilité assez forte : * *
- Vulnérabilité forte : * * *
- Vulnérabilité très forte : * * * *

- Caractéristiques de la population

Caractéristiques de la population
Localisation Abondance Niveau d'importance


Cette rubrique concerne la population du site lui-même.

  • Localisation

Dans cette colonne seront simplement reportées les références des types de milieux où l'espèce est présente.

  • Abondance

L'abondance de l'espèce sur le site sera codée selon le même barème que la rareté des espèces :

- Espèce commune : *
- Espèce peu commune : * *
- Espèce rare : * * *
- Espèce très rare : * * * *

Si des dénombrements ont pu être réalisés, on reportera également les effectifs moyens.

  • Niveau d'importance

Cette rubrique constitue la synthèse des informations contenues dans le tableau: en comparant les données relatives à l'importance de l'espèce sur le site et à son statut aux différents niveaux biogéographiques, on s'efforcera de déterminer si la population considérée a :

- une importance locale : *
- une importance régionale : * *
- une importance nationale : * * *
- une importance internationale : * * * *

- Synthèse : définition des niveaux de priorité

La comparaison des «scores» obtenus par les différentes espèces doit permettre de déterminer l'ordre de priorité qui leur sera appliqué dans le plan de gestion.
Le barème suivant pourra être attribué :
- non prioritaire :
- priorité de niveau 1 : *
- priorité de niveau 2 : * *
- priorité de niveau 3 : * * *

2.2.3.2 - Hiérarchisation de l'importance des habitats

Le cadre n°9 présente le modèle de tableau à réaliser.

- Nomenclature CEE

Nomenclature CEE
Code CORINE Dir. Hab.
(an. I)


Le code CORINE correspondant au type d'habitats considéré sera reporté dans la colonne de gauche. Si ce type d'habitats figure dans l'annexe I de la Directive Habitats, il suffira de cocher la colonne de droite.

- Rareté

Rareté du type d'habitat
Niveau local Niveau régional Niveau national Niveau internat.


On utilisera le même barème que pour les espèces :
- Habitat commun : *
- Habitat peu commun : * *
- Habitat rare : * * *
- Habitat très rare : * * * *

Pour estimer ce niveau de rareté, il est proposé de se baser sur une appréciation sommaire de la surface couverte par le type d'habitat au niveau géographique considéré et d'utiliser les seuils suivants (cadre n°10) :

- Habitat commun : habitat qui est représenté sur plus de 1 % de la surface du territoire considéré

- Habitat peu commun : habitat qui est représenté sur moins de 1 % et plus de 0.1 % de la surface du territoire considéré

- Habitat rare : habitat qui est représenté sur moins de 0.1 % de la surface du territoire considéré

- Habitat très rare : habitat qui n'est représenté que sur quelques localités.

- Dynamique du type d'habitats

Dynamique du type d'habitat
Niveau local Niveau régional Niveau national Niveau internat.


Il s'agit d'apprécier quelles sont les tendances évolutives de l'habitat à chacun des niveaux géographiques :
- Habitat en extension : *
- Représentation stable : * *
- Régression modéré : * * *
- Régression forte : * * * *

- Vulnérabilité

Vulnérabilité du type d'habitat
Niveau local Niveau régional Niveau national Niveau internat.

La démarche d'analyse de la vulnérabilité sera la même que pour les espèces (cf cadre n°8) : elle tiendra compte de la fragilité intrinsèque et des menaces (probabilité, conséquences et réversibilité).

- Caractéristique de l'habitat

Caractéristiques de l'habitat
Localisation Etat de conservation Vulnérabilité Niveau d'importance


Cette rubrique concerne l'habitat tel qu'il est représenté sur le site.

  • Evaluation de la surface

Il pourra s'agir d'une estimation sommaire établie à partir de la délimitation cartographique

  • Etat de conservation

Cette rubrique regroupe les notions de représentativité, de diversité et de naturalité qui ont été abordées aux § 2.2.2.2 et 2.2.2.4. Il s'agit en fait d'apprécier si l'habitat présente bien les caractéristiques propres au type de milieu considéré. On s'efforcera donc de ne pas prendre uniquement en considération la physionomie générale de la végétation et on recherchera si l'habitat n'a pas subi des modifications ou des perturbations dans un passé plus ou moins récent :

- Milieu très dégadé :

- Milieu assez dégradé : * *

- Milieu assez préservé : * * * 

- Etat de conservation optimal : * * * *

- Vulnérabilité

On appliquera le même barème que pour l'analyse de la vulnérabilité du type d'habitat.

- Niveau d'importance de l'habitat

Comme pour les espèces, cette rubrique sert à synthétiser les informations relatives à la situation générale de l'habitat avec celles qui concernent sa situation sur le site lui même :
- Importance locale : *
- Importance régionale : * *
- Importance nationale : * * *
- Importance internationale : * * * *

                                                                                                   

(1) Voir par exemple :
- BLANDIN (1986) : Bioindicateurs et diagnostic des systèmes écologiques. - Bulletin d'écologie, 17, (4), 308 p.
- SMITH et THEBERGE (1986) : Evaluating Natural Areas Using Multiple Critera : Theory and Practice. - Environmental Management, 11, (4), p 447-460.
- EFFREY et MADDEN (1991) : Bioindicators and environmental managementAcademic Press, 485p.
- BARNAUD (1991) : Critères d'évaluation en conservation de la nature: revue bibliographique - Muséum National d'Histoire Naturelle, 97 p.

(2) Voir :
- RATCLIFFE (1977) - The selection of biological sites of national importance to nature conservation in Brittain. A nature conservation review vol.I, Cambridge University Press, 106 p.
- Nature Concervancy Council (1989) - Guideline for selection of biological S.S.S.I..
Rationale approach and criteria.
English Nature, Publicity Services Branch, Peterborough, PEI 1UA, Grande Bretagne.

(3) Voir en particulier :
- VAN DER PLOEG (1986) - Wildlife conservation in the Netherlands : a controversial issue in a small country - In : Wildlife conservation and Evaluation, M.B. USHER ed, Chapman and Hall, p. 161-180.

(4) Voir par exemple :
- WHITTAKER (1972) - Evolution and measurement of species diversity - Taxon, vol. 21, p 213- 251.

(5) Voir par exemple :
- MAC ARTHUR (1965) - Patterns of species diversity - Biological review, vol. 40, p 510 - 533.

(6) Voir par exemple :
- MAY (1974) - Stability and complexity in model ecosystem. Princeton university press, 265 p.
- SMITH et THEBERGE (1987) - A review of criteria for evaluating natural areas. Environmental management, vol 10, p 715 - 734.

(7) Cette notion correspond au concept d'équitabilité qui est utilisé pour exprimer la diversité par rapport à un maximum théorique (voir par exemple BRUNEL et CANCELA DA FONSECA (1979) - Concept de la diversité dans les écosystèmes complexes - Bulletin d'écologie, TI0, vol. 2, p 147 - 162).

(8) L'importance de l'échelle à laquelle on considère la diversité spécifique a été très bien mise en évidence par MURPHY (1989) - Conservation and confusion; wrong species, wrong scale, wrong conclusions. Biological conservation, vo1.3, p 82 - 84

(9) L'importance de l'hétérogénéité des habitats à l'intérieur d'une réserve naturelle a été très clairement démontrée par HIGGS (1981) - Island biogeography the ory and nature reserve design. Journal of biogeography, vol.8, p 117 - 124). Alors que les travaux relatifs à l'importance du facteur «surface» dans la délimitation des espaces protégés fournissaient des résultats contradictoires, il a fait apparaître que c'est en fait leur composition interne qui est importante.

(10) Voir par exemple le texte consacré aux stratégies K et r dans: lY. GAUTHIER, le. LEFEUVRE G. RICHARD et P. TREHEN (1978) - Ecoéthologie. Masson ed., 166 p.

(11) On qualifie de «résilience» la faculté d'un écosystème à supporter une perturbation importante tout en conservant sa structure. Voir par exemple :
- J.P. CANCELA DA FONSECA (1977) - Quelques remarques à propos de la résilience et de la stabilité des écosystèmes - Revue des questions scientifiques, Vol. 148, p 423-444
- LEVASSEUR (1988) : Résistance aux perturbations et résilience de la végétation des marais salés et des marais littoraux. - Troisième conférence sur les zones humides, Université de Rennes l, 19 - 23 septembre 1988.

(12) P. FOURNIER (1990) - Les quatre flores de France, Eds Lechevalier, 1103 p.

(13) P. DUPONT (1990) - Atlas partiel de la flore de France - Secrétariat de la Faune et de la Flore, Muséum Naturel d'Histoire Naturelle, 57 rue Cuvier - 7523 Paris Cedex 05.

(14) J. ]ALAS et J. SUOMINEN (1972 à 1983) - Atlas florae europaeae, 6 tomes parus.

(15) J.C. RAMEAU, D. MANSION et G. DUME (1989 et 1993) - Flore forestière française. T1 : Plaines et collines, 1785 p. T2 : Montagnes, 2421 p. Institut pour le développement forestier ed.