2.1 - La connaissance du patrimoine naturel
2.1.1 - Les inventaires spécifiques
La plupart du temps, les inventaires réalisés dans les espaces protégés portent essentiellement sur les vertébrés supérieurs et les phanérogames. Les gestionnaires ont généralement des difficultés pour réaliser les inventaires d'invertébrés. En effet, la plupart du temps ces inventaires concernent la ou les familles pour lesquelles un entomologiste local ou régional disponible a pu être trouvé. Mais la spécialité de cet entomologiste n'est peut être pas toujours celle qui est le mieux adaptée pour évaluer la valeur patrimoniale du secteur d'étude d'une part et il n'a peut être pas toujours la vision globale et le recul suffisant pour appréhender la signification de la présence d'une espèce au niveau national comme pourrait l'avoir un spécialiste reconnu à l'échelle du pays.
La collecte d'échantillons, indispensable pour l'identification des espèces, demande une bonne connaissance de la biologie et du comportement des espèces appartenant aux groupes que l'on désire étudier mais aussi de bonnes connaissances techniques pour pouvoir rentabiliser au mieux le temps disponible sur le terrain: piégeage, chasse à vue, etc. Les collectes ou observations réalisées par un non-initié ne peuvent concerner, la plupart du temps, que des espèces facilement observables et ubiquistes. Ces espèces sont donc peu caractéristiques des biotopes puisque ce sont des espèces communes. Ainsi, les espèces indicatrices ou à forte valeur patrimoniale ne sont pratiquement jamais recensées par des noninitiés.
Les guides du commerce ne sont que des ouvrages de vulgarisation très incomplets et ne peuvent en aucun cas être considérés comme des références pour réaliser des inventaires entomologiques. Les espèces illustrées ou présentées dans ces guides ne concernent que des espèces courantes. A aucun moment ces guides n'informent le lecteur des risques de confusion, très grands, qui existent en raison principalement du nombre élevé d'espèces (plus de 35 000 en France) et de la ressemblance de beaucoup d'entre elles. Par ailleurs ils ne fournissent pas de critères fiables d'identification. En raison d'une part de leur taille souvent réduite (moins de 5 mm) du grand nombre d'espèces d'autre part, il est indispensable, pour l'identification des espèces, d'avoir recours à une loupe binoculaire, dans un grand nombre de cas de procéder à l'étude des pièces génitales, et de se référer à une bibliothèque actualisée en permanence. Un inventaire entomologique basé sur l'observation d'images dans un guide de vulgarisation n'aura aucune valeur scientifique.
Certains entomologistes du Muséum National d'Histoire Naturelle (1), de l'Office Pour l'information Eco-entomologique (2), ou d'associations nationales ou locales (3) acceptent d'identifier les échantillons qui leur sont envoyés par courrier après accord et entente sur les conditions d'étude (insectes en alcool ou sur couche, étiquetage, frais de port et d'analyse, délais d'étude etc.). Avant toute étude, il est vivement recommandé de prendre contact avec les personnes ressources pour s'assurer de leur disponibilité et de leur domaine d'activité.
La reconnaissance des mollusques, des mousses, des lichens, des champignons, etc. peut être effectuée de la même façon.
2.1.2 - La cartographie des unités écologiques
L'analyse des objectifs de protection des biotopes doit naturellement s'appuyer sur la cartographie des unités écologiques qui est prévue dans la méthodologie d'établissement des plans de gestion.
Il est important de réfléchir au type de cartographie qui est le plus pertinent pour servir de base à la définition des objectifs de gestion des biotopes. On peut distinguer schématiquement trois niveaux d'analyse :
- le niveau de l'écocomplexe (ou géosystème) : il s'agit des grands ensembles qui constituent les éléments structurants du paysage (vallée, colline, coteau, forêt, plaine agricole, dune, littoral rocheux...)
- le niveau de la formation végétale : il s'agit des ensembles de végétation qui se distinguent par leur physionomie globale (prairie, bois, végétation des marais, ripisylve, friche, champ, garrigue, plan d'eau, pré-salé, etc.
- le niveau du groupement végétal : il s'agit de la classification réalisée par les phyto sociologues (Cynosurion cristati, Alno-padion, Querco-Fagetea, Stellario-carpinetum, etc.)
La majeure partie des cartes qui sont réalisées lors de la préparation des plans de gestion utilisent le second niveau (formations végétales). Ce choix permet de faire apparaître la répartition spatiale des grands ensembles naturels et il est le plus pratique pour superposer les contraintes, les schémas d'aménagement, etc. Il peut cependant s'avérer insuffisant pour une analyse de la valeur patrimoniale des biotopes. En effet la typologie Corine-biotopes est essentiellement basée sur les groupements végétaux et cette classification est celle qui se prête le mieux à la hiérarchisation des niveaux d'intérêt. Ainsi la prairie permanente constitue un type de milieu encore assez commun en France mais les prairies humides à Fritilaria meleagris sont beaucoup plus rares (au moins dans les domaines subatlantiques et atlantiques).
Il est donc important de réaliser, sur les secteurs les plus intéressants, une cartographie plus fine à une échelle plus réduite. Outre le fait de distinguer plus précisément les principaux groupements végétaux, ce travail constituera un état initial qui permettra de suivre l'évolution des milieux dans le temps.
II ne s'agit pas d'effectuer à proprement parler une cartographie phytosociologique car ce travail nécessite de réaliser un grand nombre de relevés floristiques, d'identifier les espèces différentielles et de déterminer les associations végétales par comparaison avec une nomenclature pré-établie. Les gestionnaires des espaces protégés pourront se limiter à une cartographie des groupements en fonction des espèces dominantes. Dans de nombreux cas, l'utilisation d'agrandissements de photographies aériennes récentes permet de délimiter les contours des principales communautés végétales. Un parcours méthodique du terrain (éventuellement avec l'aide d'un topofif et d'une boussole pour effectuer des localisations plus 39 40 précises) permet de compléter les contours des groupements difficiles à distinguer sur les photographies aériennes.(4).
La publication de l'adaptation française de la typologie Corine devrait à terme permettre de réaliser des cartographies selon une classification plus normalisée.
(1) Laboratoire d'Entomologie du MNHN, 45 rue Buffon, 75005 PARIS.
(2) OPIE, BP 9, 78280 GUYANCOURT.
(3) 60 associations à caractère entomologique fédérées au sein de l'UEF: l'Union de l'Entomologie Française, cio SEF 45 rue Buffon, 75005 PARIS.
(4) Voir en particulier :
- LONG: Diagnostic phytoécologique et aménagement du territoire, Masson ed.
• Tome 1 (1974) : Principes généraux et méthodes, 256 p.
• Tome II (1975) : Application du diagnostic phytoécologique - Examen de cas concrets, 232 p.
- La cartographie écologique - Bulletin d'Ecologie, 11, (1), p 45-65 (4 articles).